•                                                                   L'équilibre colorimétrique

     

     

    Et voilà que les bonnes âmes sont choquées par les quotas de l'équipe de France, moins de noirs et de beurs car comme disait Alain Finkielkraut : « Les gens disent que l'équipe nationale française est admirée par tous parce qu'elle est black-blanc-beur. En fait, l'équipe de France est aujourd'hui black-black-black, ce qui provoque des ricanements dans toute l'Europe. »


    Le discours de M Finkielkraut reflète l'opinion de beaucoup de français « trop de noirs dans l'équipe de France »


    Mais, pourquoi il y en a-t-il autant? Car dans notre pays pour réussir dans les autres domaines il faut être blanc, chrétien, hetero et mâle.Le sport en generale

    et le footbal en particulier échappait a cette discrimination, c'est "le rêve américain" français pour les français dont le nom a une consonance étrangère ou dont la couleur ne correspond pas au standard.


    Bien sûr qu'il y a des métiers « réservés », et ça touche toutes les catégories, tiens avez vous déjà été servi par un boucher ou un boulanger noir (a part dans les boucheries hallal)? dans l'espace média et culture c'est idem, les télés publiques continuent à faire présenter les journaux télévisés par des présentateurs qui ne reflètent guère le vrai visage de la France aujourd'hui, Claire Chazal, David Poujadas ou Laurence Ferrari des visages bien de chez nous qui rassurent les nostalgique de l'ortf et la ménagère. A part quelques films audacieux comme « Un Prophète », les héros de nos films sont rarement beurs ou noirs.


    Dans le monde politique c'est la même rengaine, pas de beurs et pas de noirs, dans l'armée française c'est idem, avez vous déjà vu un officier de l'armée ou de la gendarmerie noir ou beur ? Le réponse est non.


    Ce qui est drôle et dramatique en même temps c'est le refus par notre classe politique d'instaurer des quotas de femmes en politique il y a quelques années, car les femmes en France ont ce point commun avec les français dont les parents sont d'origine étrangère, la discrimination.


    Si ces nostalgiques d'une certaine France veulent un équilibre colorimétrique dans l'équipe de France, il faut qu'ils ouvrent les autres espace à cette population, car si ces français se rabattent sur le sport pour réussir, c'est par ce que les autres portes leur sont fermées et leur choix est restreint.



    PS : mon voisin de quartier qui est honnête et de gauche me disait en regardant la sortie du lycée du Kremlin Bicêtre : « … quand même y'a que des noirs »


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    La Commune de Paris trouve sa source dans un élan républicain se référant à la Première République et au gouvernement révolutionnaire de la Commune de Paris (1792), ainsi qu'à l'insurrection populaire de juin 1848 sous la Deuxième République et qui avait été réprimée de façon sanglante par le gouvernement instauré par la Révolution de février 1848. C'est d'ailleurs depuis cette date que le drapeau rouge rallie les insurrectionnalistes et barricadiers (symbolisant le sang du peuple ouvrier, le drapeau tricolore étant vu comme synonyme de répression, le drapeau rouge était à l'origine, sous la Révolution, le drapeau symbolisant la loi martiale, le peuple a repris ce symbole pour se moquer des monarques et des soldats).

    De 1804 à 1871, la France ayant vécu principalement sous des régimes monarchiques ou impériaux (Premier Empire, Restauration, Monarchie de Juillet, Second Empire), le régime républicain n'avait fonctionné que très peu d'années. En juillet 1870, Napoléon III entreprend une guerre mal préparée contre la Prusse qui le conduit rapidement à la défaite. Le 4 septembre 1870, suite à une journée d'émeute, l'Empire est renversé et un Gouvernement de la Défense nationale s'installe à l'Hôtel de ville de Paris pour poursuivre la guerre contre les États allemands. Paris est assiégée et connaît une grave famine au cours de l'hiver 1870-71. Jules Favre, ministre des Affaires étrangères du gouvernement de la Défense nationale, signe un armistice avec Bismarck. Celui-ci prévoit, outre la fin des hostilités pour une période de quinze jours renouvelables, la convocation d'une Assemblée nationale, chargée de décider de la poursuite de la guerre ou de la paix. Les élections du 8 février, organisées dans la précipitation pour signer au plus vite l'armistice, envoient une forte proportion de monarchistes, candidats des listes "pour la paix", à l'Assemblée nationale. La plus grande partie des élus de Paris sont des républicains, des listes "pour la guerre", souvent extrémistes. En effet le peuple parisien pense s'être correctement défendu et ne se considère pas comme vaincu. L'Assemblée se réunit d'abord à Bordeaux, puis à Versailles, pour ne pas tomber sous les révoltes parisiennes comme cela a failli se produire pendant le gouvernement de la Défense nationale (31 octobre notamment).

    Depuis le 17 février, le gouvernement de la République est dirigé par Adolphe Thiers "chef du pouvoir exécutif" ; il cherche à conclure un traité de paix avec la Prusse. Les Parisiens, qui ont supporté un siège très dur, et sous le coup d'une fièvre obsidionale ( "la folie du siège" ), veulent protéger Paris des Prussiens et ouvrir une nouvelle ère politique et sociale[2]. Ils refusent que les troupes françaises récupèrent les canons de Paris et craignent que les prussiens, entrés dans la ville, ne s'en emparent. C'est donc l'épreuve de force entre les royalistes, grands bourgeois et conservateurs provinciaux, tous favorables à une paix rapide avec l'Allemagne, retirés à Versailles et la population parisienne (essentiellement celle des quartiers de l'est parisien soumise aux très dures conditions salariales et sociales de l'époque et principale victime de la famine due au siège de Paris par les Allemands).

    À Paris, la mixité sociale dans les quartiers, de règle depuis le Moyen Âge, a presque disparu avec les transformations urbanistiques du Second Empire. Les quartiers de l'ouest (VIIe, VIIIe, XVIe et XVIIe arrondissements) concentrent les plus riches des Parisiens (avec leur domesticité). Les quartiers centraux conservent encore des personnes aisées. Mais les classes populaires ont été regroupées à l'Est (XIe, XIIe, XIIIe, Xe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements). Les ouvriers sont très nombreux : 442 000 sur 1,8 million d'habitants selon le recensement de 1866. S'y ajoutent de très nombreux artisans (près de 70 000, la plupart travaillant seuls ou avec un unique ouvrier) et de très petits commerçants dont la situation sociale est assez proche de celle des ouvriers. Ces classes populaires ont commencé à s'organiser. Le droit de grève qui a été accordé en 1864, a été très utilisé dans les dernières années du Second Empire. À l'occasion d'élections législatives de février 1864, des ouvriers publient le manifeste des Soixante, qui réclame la liberté du travail, l'accès au crédit et la solidarité. Depuis septembre 1864, il existe une Internationale ouvrière, qui a des représentants à Paris (en 1868, le gouvernement impérial dissout la section française de l'Internationale dont les membres ont participé à des manifestations républicaines). La loi sur la liberté de la presse de 1868, permet l'émergence publique de revendications économiques anti-capitalistes : la « nationalisation » des banques, des assurances, des mines, des chemins de fer (programme de Malon et Varlin pour les élections législatives de 1869)... Les blanquistes, qui prônent l'insurrection, se manifestent de plus en plus.

    Les classes populaires parisiennes craignent de se voir une nouvelle fois frustrées des bénéfices de « leur » révolution de septembre 1870 (renversement du Second empire). Déjà, après les journées révolutionnaires parisiennes de juillet 1830 et après celle de février 1848, et les élections de mai 1848, les classes aisées avaient confisqué le pouvoir politique à leur profit, en installant la Monarchie de juillet et le Second Empire. En 1871, les Parisiens sont méfiants envers l'assemblée nouvellement élue en février 1871, où les deux tiers des députés sont des monarchistes de diverses tendances ou des bonapartistes. L'assemblée, méfiante du Paris populaire toujours prêt à s'enflammer, décide, le 10 mars, de siéger à Versailles (ville sous contrôle des Allemands et symbole de la monarchie absolue). L'assemblée mène une politique sociale qui va mettre en difficultés une partie des Parisiens, déjà éprouvés par le siège de la ville par l'armée prussienne (durant cette période, la consommation d'absinthe est multipliée par cinq)[citation nécessaire]. Le 10 mars, elle décide la suppression du moratoire des effets de commerce, des loyers et des dettes, désormais ce sont trois termes qui deviennent exigibles. De nombreux ouvriers, artisans et commerçants se voient menacés dans leurs moyens de vivre (on estime à près de 150 000 les personnes ainsi menacées de faillite ou de poursuites judiciaires). De plus, l'assemblée supprime la solde quotidienne de 1,50 franc des soldats de la Garde nationale, privant ainsi une partie des classes pauvres de Paris d'une source de revenus. Cette politique rappelle, aux plus vieux des Parisiens, celle menée au printemps 1848, par l'Assemblée dominée par le Parti de l'Ordre dont un des chefs était Thiers. Quand le gouvernement décide de désarmer les Parisiens ceux-ci se sentent directement menacés. Il s'agit de soustraire aux Parisiens les 227 canons entreposés à Belleville et à Montmartre. Les Parisiens considèrent ces canons comme leur propriété, qu'ils ont eux-mêmes payés lors de la guerre contre la Prusse par le biais de la souscription. Ils se voient sans défense vis-à-vis d'éventuelles attaques des troupes gouvernementales (comme en juin 1848). Cependant les Parisiens disposent de près de 500 000 fusils.


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  • 13.04.2009

    De Gaulle et les alliés ont blanchi la libération de Paris

    Par quel miracle la ville de Paris a-t-elle pu avoir été libérée en 1944 par des troupes totalement blanches alors que les forces françaises libres étaient composées aux 2 tiers de soldats noirs ?
    Simplement en éliminant systématiquement les soldats noirs de toutes les unités qui entreraient dans Paris pour la libérer en ce 25 août 1944!

    C’est la BBC qui relate ce scandale dans un document édifiant diffusé le 6 avril dernier : http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/7984436.stm
    Alors que les armées françaises et alliées étaient censées combattre le racisme nazi qui allait conduire à des milliers de morts en camps de concentration et d’extermination,  elles toléraient en leur sein, des pratiques odieuses.
    De gaulle et la libération de Paris.jpgLe document de la BBC revient sur la chronologie des évènements :

    Charles de Gaulle avait une exigence : que Paris soit libérée par des soldats français.
    Le commandement américain et britannique a accepté et même accompagné cette exigence à condition que les divisions qui entreraient dans Paris ne comportent aucun soldat noir.

    En raison de l’énorme contribution des tirailleurs sénégalais aux forces françaises libres, il fut impossible de trouver une seule division entièrement blanche. Il a donc fallu, en une hideuse opération, remplacer tous les soldats noirs par des soldats blancs, pas nécessairement français d’ailleurs, afin que la libération de Paris ne soit pas « entachée» par des soldats noirs !

    Les soldats noirs étaient assez dignes pour libérer la France mais pas assez pour figurer sur les photos des héros libérateurs de sa capitale.
    La réaction des autorités françaises à ce reportage de la BBC se fait attendre. Cette réaction aura beau se faire attendre, il faudra bien envisager une réhabilitation pour tous ces soldats noirs humiliés et dont beaucoup ont trouvé la mort en combattant pour la France et en la libérant.

    Merci au professeur Eric F. qui m’a informé de la diffusion de ce reportage.


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  •    Au-delà de l’élection de novembre

    Les présidents changent, l’empire américain demeure

    S’adressant à plusieurs centaines de milliers d’Allemands, le candidat démocrate Barack Obama a présenté l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) comme « la plus grande alliance jamais formée pour défendre notre sécurité commune ». Le républicain John McCain souhaite que cette dernière s’engage davantage dans le conflit ayant éclaté en Géorgie. En dépit de leurs différences, une même conception de la place des Etats-Unis dans le monde unit les deux principaux partis.

    Par Arno J. Mayer

    Tirer à boulets rouges sur le président George W. Bush, un « canard boiteux » désormais, est définitivement passé de mode. Le nouveau sport en vogue consiste à spéculer sur la manière dont M. John McCain ou M. Barack Obama redessinera la politique étrangère américaine. Cet exercice n’est pourtant pas plus productif.

    Caligula, troisième empereur de Rome, était un despote cruel. On raconte néanmoins qu’il caressait une idée — significative du peu de respect que lui inspirait son personnage public : nommer son cheval préféré, Incitatus, d’abord au Sénat puis à un poste de consul. Caligula sous-entendait peut-être que la mécanique de l’Empire romain fonctionnait par elle-même et, une fois lancée, qu’elle pouvait s’affranchir de sa cohorte de césars.

    Aujourd’hui, alors que les Etats-Unis se trouvent dans l’impasse en Irak et que des bombes à retardement couvent dans le « Grand Moyen-Orient » (Greater Middle East) et dans le Caucase, le problème réside moins dans la désastreuse médiocrité de M. Bush, ou dans l’impériale ardeur du prochain président américain, que dans la volonté propre d’un empire né de la guerre contre l’Espagne (1898) et ordonnateur d’une pax americana au lendemain de la seconde guerre mondiale.

    Les Etats-Unis ont survécu à l’aventure vietnamienne ; ils peuvent sortir pratiquement indemnes du fiasco irakien. Momentanément déconcerté, l’empire continuera sa route, entre bipartisme, pressions des milieux d’affaires et bénédictions évangéliques. Cette aptitude à s’offrir des gaffes coûteuses — non pas pour les élites mais pour les classes populaires — caractérise d’ailleurs les Etats impériaux parvenus à maturité. L’empire américain finira certes par s’effondrer, mais les prédictions de déclin précipité sont exagérées. Sans rival militaire à leur mesure, les Etats-Unis demeureront, quelque temps encore, l’unique superpuissance mondiale.

    Cependant, à force de lutter contre l’érosion, les empires vaniteux et trop expansionnistes sapent leur pouvoir et leur prestige. Leur nervosité s’accroît. Et leur férocité. On les voit alors trépigner pour rappeler au monde qu’ils ne sont pas des tigres de papier. Etant donné leur posture en Irak et les retombées de cette crise dans la région, les Etats-Unis opteront-ils pour une escalade en Iran, en Syrie, au Liban, en Afghanistan, au Pakistan, au Soudan, en Somalie, en Géorgie, au Venezuela ? Les points de vue de MM. McCain et Obama diffèrent quant au lieu de l’intervention, aux tactiques à mettre en œuvre. Mais ni l’un ni l’autre ne doutent de l’urgence ou de la légitimité d’une telle action. Le premier situe la ligne de front de la « guerre contre le terrorisme » en Irak ; le second en Afghanistan et au Pakistan.

    Les Etats-Unis possèdent l’armée la plus puissante du monde. Elle surpasse de très loin toutes celles des anciens empires. Omniprésent sur les mers, dans les airs, dans l’espace et le cyberespace, Washington sait projeter sa force à une vitesse record sur des distances considérables. Ainsi, tel un shérif autoproclamé, se précipite-t-il d’un bout à l’autre de la planète pour maîtriser ou exploiter des crises, réelles ou putatives. « Aucun coin du monde n’est assez reculé, aucune montagne n’est assez haute, aucune grotte ni aucun bunker assez profonds pour mettre nos ennemis hors de notre portée », affirmait M. Donald Rumsfeld, alors ministre de la défense (1). L’Amérique consacre plus de 20 % de son budget annuel à son armée, soit autant que les dépenses militaires du reste du monde. Qu’importe si cela nuit à la société. Les industries d’armement ne réalisent-elles pas de lucratives ventes à l’étranger ? Dans le « Grand Moyen-Orient », les Etats du Golfe — Arabie saoudite en tête — leur achètent pour des milliards de dollars de matériels de défense sophistiqués (2).

    Au lieu d’établir des colonies territoriales classiques, les Etats-Unis assurent leur hégémonie en installant des bases militaires, navales et aériennes. Il en existe dans plus de cent pays, les plus récentes en Bulgarie, en République tchèque, en Pologne, en Roumanie, au Turkménistan, au Kirghizstan, au Tadjikistan, en Ethiopie et au Kenya. Seize agences de renseignement, dont les bureaux sont disséminés de par le monde, constituent l’ouïe et la vue de cet empire sans frontières.

    Washington possède douze porte-avions, dont trois seulement ne sont pas nucléaires. Ces bâtiments transportent jusqu’à quatre-vingts avions ou hélicoptères ainsi que de forts contingents de soldats, de marins et de pilotes. Autour de ces bâtiments titanesques gravitent des croiseurs, des destroyers, des sous-marins souvent autoguidés et équipés de missiles. La marine américaine veille dans des bases éparpillées sur la surface du globe et patrouille les principales routes maritimes. Elle est l’épine dorsale, le flux sanguin d’un empire d’un nouveau genre. Les bateaux déplacent les avions, qui sont les principaux pourvoyeurs de soldats, de matériel et de ravitaillement. A Washington et au Pentagone, l’US Navy a récemment pris l’ascendant sur les armées de terre et de l’air (3).

    Démocratie, droits et... capitalisme

    Entre 2006 et 2008, la présence américaine à l’est de la Méditerranée, en mer Rouge, dans le Golfe et dans l’océan Indien témoigne du désir de Washington de montrer sa force partout dans le monde (4). Au besoin en livrant de l’aide humanitaire à la pointe du fusil, dans l’attente d’un avantage politique. Au moins deux porte-avions stationnent actuellement entre Bahreïn, le Qatar et Djibouti. Entièrement équipés en matériel terrestre et en véhicules amphibies, ils transportent des milliers de soldats et de marins ainsi que des personnels formés aux opérations spéciales. Ces géants des mers sont là pour rappeler, comme le déclarait en janvier 2007 le ministre de la défense Robert Gates, que les Etats-Unis « maintiendront longtemps encore leur présence dans le Golfe  (5) ».

    Une semaine plus tard, le sous-secrétaire d’Etat chargé des affaires politiques, M. Nicholas Burns, estimait que « le Proche-Orient n’a pas vocation a être dominé par l’Iran ; les eaux du Golfe n’ont pas vocation à être contrôlées par l’Iran. C’est pourquoi les Etats-Unis ont stationné deux unités de combat dans la région (6)  ». Ces paroles de MM. Gates et Burns auraient pu émaner de n’importe lequel des ministres de la défense, des secrétaires d’Etat américains, des directeurs de la Central Intelligence Agency (CIA) ou des présidents des soixante dernières années.

    Dans le discours qu’il prononça en janvier 1980, un peu plus d’un an après Camp David I, et quelques semaines seulement après la crise des otages à Téhéran et l’invasion soviétique en Afghanistan, le président James Carter avait été très clair : « Toute tentative d’une force extérieure de prendre le contrôle du golfe Persique sera perçue comme une attaque contre les Etats-Unis. Les moyens adéquats, y compris l’usage de la force, seront utilisés pour repousser celle-ci (7). » Il ajoutait que la présence de l’armée russe en Afghanistan constituait « une menace » pour une région qui « détient les deux tiers des ressources pétrolières exportables du monde » et se trouve « à trois cents miles de l’océan Indien et du détroit d’Ormuz, une voie maritime par laquelle doit transiter l’essentiel des ressources pétrolières du monde ».

    Un quart de siècle plus tard, M. Henry Kissinger, ancien secrétaire d’Etat américain, désormais consultant, remettait au goût du jour la doctrine Carter en déplaçant la menace de Moscou à Téhéran : « Si l’Iran devait persister à combiner tradition impériale perse et ferveur islamique contemporaine (...), il ne lui serait tout simplement pas permis de réaliser son rêve impérialiste dans une région aussi importante pour le reste du monde (8). »

    Certes, les soldats équipés d’armes conventionnelles ultrasophistiquées sont mal préparés pour ces guerres asymétriques qui ne se déroulent plus entre Etats mais contre des entités ayant recours à des armes et à des techniques non conventionnelles. Mais les porte-avions, les avions de combat, les missiles antimissiles, les satellites militaires, les robots de surveillance, les véhicules et les bateaux autoguidés ont encore de beaux jours devant eux.

    Qu’elles soient directes ou indirectes, ouvertes ou secrètes, militaires ou civiles, les intrusions dans les affaires intérieures d’autres Etats constituent, depuis 1945, la pierre angulaire de la politique étrangère américaine. Washington n’a pas hésité à intervenir, le plus souvent de manière unilatérale, en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, au Liban, en Palestine, en Iran, en Syrie, en Somalie, au Soudan, en Ukraine, en Géorgie, au Kazakhstan, au Nicaragua, au Panamá..., défendant inlassablement les intérêts américains tout en prônant des variantes de la démocratie, du capitalisme, des droits humains.

    Prenant pour modèles l’Agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development, Usaid), le programme Fulbright (9) et le Congrès pour la liberté de la culture (10) lancés à l’époque de la guerre froide, les gros bras de la nouvelle « guerre mondiale contre le terrorisme » ont imaginé des mécanismes équivalents : Compte du défi du millénaire (Millenium Challenge Account), Initiative pour le partenariat au Proche-Orient (MEPI), l’un et l’autre émanant directement du département d’Etat. Se remémorant les jours glorieux de la Rand Corporation, de l’Institut d’analyse stratégique et des chaires d’études soviétiques, le ministère de la défense a enrôlé des universitaires dans le projet Minerva afin qu’ils apportent leur concours aux nouveaux combat anti-insurrectionnels.

    L’économie surpuissante de l’Amérique, sa culture syncrétique et sa science sont à l’image de sa puissance militaire : inégalées. Mis à part les déficits fiscaux et commerciaux abyssaux, qui grippent parfois son système financier et secouent la planète, l’économie américaine demeure robuste et bat la cadence de la « destruction créatrice (11) », sans tenir compte de son coût social, aux Etats-Unis comme à l’étranger.

    Le rétrécissement de son secteur industriel et manufacturier pourrait s’avérer le maillon faible. Cependant, les Etats-Unis tiennent encore le haut du pavé en matière de recherche et de développement, de brevets en cybernétique, biologie moléculaire et neurologie. Leur ascendant planétaire est conforté par les crédits publics, les dons privés et le mécénat d’entreprise dont bénéficient leurs universités et leurs instituts de recherche, qui établissent des antennes à l’étranger en même temps qu’ils drainent les cerveaux du monde entier. L’engouement pour les musées globalisés, l’architecture des sièges des grandes entreprises et la généralisation des stratégies de marketing politique ou commercial obligent ceux qui en douteraient encore à admettre que le modèle américain perdure bel et bien.

    Recruter des soldats à prix cassé

    Il n’est donc pas étonnant que le pays récolte une moisson disproportionnée de récompenses internationales en économie mais aussi en sciences naturelles. Plus édifiant encore, l’anglais américain s’impose dans le monde entier comme une lingua franca (une langue universelle), en particulier pour les jeunes générations et les utilisateurs d’Internet. Ce phénomène explique et alimente l’immense influence des multinationales et des institutions financières publiques et privées américaines. La culture populaire et les modes de consommation américains pénètrent les endroits les plus reculés du globe, pour le meilleur et pour le pire. Wal-Mart, McDonald’s, Hollywood, les stades et les séries télévisées rassasient les masses de pain et de jeux. Aux confins instables de l’empire, Washington, Wall Street et K Street (la rue de Washington où se concentrent nombre de lobbys) soutiennent les régimes et les élites disposés à collaborer.

    Cette puissance n’est en rien le produit d’une génération spontanée. Dans sa quête permanente de ressources naturelles, de nouveaux marchés et de positions stratégiques, elle trahit des ressemblances troublantes avec les empires du passé. La plupart des Américains estiment qu’ils ont tout à gagner à conserver leur position dominante. Bien sûr, certaines couches sociales sont plus avantagées que d’autres. Mais, dans l’ensemble, l’empire leur profite sur les plans économique, culturel et psychologique. Cela vaut également pour l’intelligentsia, les professions libérales et la presse.

    Les Etats-Unis conservent de gigantesques réserves, notamment militaires, qui leur permettent de poursuivre leur interventionnisme mondial. Ils peuvent mobiliser les ressources et la volonté nécessaires pour sortir de l’impasse irakienne. L’armée manque certes d’unités de combat pour certaines manœuvres terrestres de grande envergure, et l’on a pu observer une certaine incohérence stratégique dans les opérations menées contre des groupes d’insurgés, une guérilla ou des forces terroristes. Mais la pénurie de soldats ne devrait pas durer. Des entreprises privées recruteront à prix cassé, de préférence dans les « dépendances du tiers-monde », des mercenaires en armes ou des civils qu’ils projetteront sur les théâtres d’opérations.

    Lorsque Washington entonne le couplet de la défense désintéressée des droits humains, des programmes sociaux, de la libération des femmes, de l’Etat de droit et de la démocratie pour tous, il s’agit, pour partie, d’un artifice. Tous les dirigeants américains ont eu les mêmes priorités : terrasser le spectre du communisme, avant l’implosion de l’Union soviétique ; étouffer le serpent de l’islamisme radical depuis le 11 Septembre.

    Le rapport de la commission bipartie Baker-Hamilton sur l’Irak, rendu public le 6 décembre 2006, ne se préoccupait pas tant du chaos sur les rives du Tigre que de ses éventuelles répercussions aux Etats-Unis mêmes : « L’Irak, indispensable à la stabilité régionale et même mondiale, joue un rôle très important pour les intérêts américains. Le pays se trouve sur la ligne de fracture entre l’islam chiite et l’islam sunnite, et entre les populations kurdes et arabes. Il détient la deuxième réserve de pétrole du monde. Il sert aujourd’hui de base d’opérations au terrorisme international et à Al-Qaida. L’Irak, pièce maîtresse de la politique étrangère américaine, influence la manière dont les Etats-Unis sont perçus dans la région et dans le monde (12). » En somme, l’importance du pays envahi tient à ce que son effondrement ternirait l’image de l’Amérique dans le monde...

    En accord avec la légion d’experts de politique étrangère acquis à la ligne officielle, MM. James A. Baker (républicain) et Lee H. Hamilton (démocrate) ont postulé que Washington continuerait à faire la loi dans le « Grand Moyen-Orient ». Le rapport était très clair sur ce point : « Même après le départ des brigades d’intervention américaines d’Irak, nous maintiendrons une importante présence militaire dans la région, grâce à nos forces militaires restées sur le terrain en Irak, à notre déploiement de forces terrestres, navales et aériennes depuis le Koweït, Bahreïn et le Qatar et à notre présence croissante en Afghanistan. »

    Il n’est pas surprenant que MM. Baker et Hamilton aient demandé conseil aux plus brillants instituts de recherche stratégiques « indépendants » ou bipartis et autres « boîtes à idées » qui prolifèrent depuis la fin de la guerre du Vietnam, au point de former un cinquième pouvoir. Dans nombre de ces instituts, dirigeants, consultants et intellectuels attitrés ne font pas mystère de leur engagement. Certains ont même fourni des notes de synthèse et des textes clés en main pour ce rapport sur l’Irak.

    En partie financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, le Centre d’études stratégiques et internationales (Center for Strategic and International Studies, CSIS) fut l’un des Pygmalion de la commission Baker-Hamilton. Regroupant des administrateurs et des experts issus de la fonction publique comme du secteur privé, il affiche son objectif : « Améliorer la sécurité et veiller à la prospérité dans une époque de transformation politique, en offrant aux dirigeants des analyses stratégiques et des solutions pratiques afin qu’ils puissent imaginer l’avenir et anticiper les changements. »

    Parmi ses membres figurent l’actuel et les ex-présidents du conseil d’administration de Time Inc., Coca-Cola, Merrill Lynch, Lehman Brothers, ExxonMobil, Morgan Stanley. Sans oublier le dernier oracle du soft power, le professeur Joseph S. Nye, de la Kennedy School of Government Harvard. Quant au panel des consultants, il regroupe une brochette d’anciens hauts responsables d’administrations démocrates et républicaines : MM. Harold Brown, Zbigniew Brzezinski, Frank Carlucci, Henry Kissinger, James Schlesinger, Brent Scowcroft et Mme Carla Hills.

    Des organismes semi-privés exploitent le même créneau. Officiellement indépendant, l’Institut républicain international, très impliqué en Irak (et présidé par le sénateur McCain), entend « faire avancer la cause de la liberté et de la démocratie dans le monde en aidant au développement des partis politiques, des institutions publiques, des élections libres, de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit ». Dans la même veine, une autre structure « à but non lucratif », l’Institut démocratique national pour les affaires internationales, présidé par l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright, œuvre au « renforcement et au développement des valeurs, des pratiques et des institutions démocratiques (...) dans toutes les régions du monde ».

    Avec un cahier des charges plus restreint, l’Institut pour la politique du Proche-Orient, autoproclamé pluraliste mais clairement situé à droite, se propose « d’œuvrer pour une meilleure compréhension, réaliste et équilibrée, des intérêts américains au Proche-Orient (...) et de promouvoir dans la région un engagement américain basé sur le renforcement des alliances, l’amitié, qui apporterait la sécurité, la paix, la prospérité et la démocratie aux populations ».

    La commission Baker-Hamilton a également sollicité les avis du Council on Foreign Relations, du Brookings Institute, de la Rand Corporation et de l’American Enterprise Institute. Quels que soient leurs penchants politiques, tantôt à droite, tantôt au centre, les collaborateurs, associés ou mécènes de ces officines ne s’interrogent guère sur les coûts et avantages politiques, économiques et sociaux de l’empire pour les Etats-Unis et pour le reste du monde. Les désaccords et les débats portent invariablement sur la meilleure manière d’assurer la sécurité, d’exploiter et de protéger l’hégémonie américaine, plutôt que sur les valeurs, les objectifs et l’éthique qu’elle est censée défendre. Là où les néoconservateurs prêchent sans complexe la poursuite de la mission civilisatrice de l’Amérique, les centristes « pluralistes » disent la même chose, mais sotto voce.

    Rappelant que le rôle des Etats-Unis est « unique » dans un monde où « peu de problèmes peuvent se résoudre sans nous », la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a ingénument admis : « Nous, les Américains, nous nous engageons en politique étrangère parce que nous le devons, et non pas parce que nous le voulons. C’est là une saine position, celle d’une république et non d’un empire (13). »

    Toutefois, même les critiques centristes de la politique étrangère de l’administration Bush se gardent d’interpeller Washington sur son soutien inconditionnel à Israël. Et, comme les néoconservateurs, ils refusent de lier le marasme irakien et l’impasse israélo-palestinienne. Les uns comme les autres expriment des réserves à l’égard d’une des conclusions du rapport Baker-Hamilton, celle qui pose que les Etats-Unis « ne pourront pas atteindre leurs objectifs au Proche-Orient s’ils ne s’attaquent pas directement au conflit israélo-arabe et à l’instabilité régionale qui en découle ». De même, sur la question de l’Iran, démocrates et républicains pourraient presque parler d’une seule voix tant ils semblent s’accorder pour planifier des interventions secrètes en agitant sans cesse la menace d’un embargo économique renforcé ou d’une action militaire.

    L’empire américain ne tient pas — et n’a jamais tenu — à la personne de M. Bush. Demain, il ne s’identifiera pas davantage à celle de M. McCain ou de M. Obama. Le candidat démocrate aurait pu s’exprimer au nom des deux partis à la fois lorsqu’il annonça en mars 2008 : « Ma politique étrangère se veut un retour à la politique réaliste et bipartisane du père de George Bush, de John Kennedy et, à certains égards, de Ronald Reagan (14). » Aucun des candidats à la présidence ne propose de solution de rechange à la mission impériale des Etats-Unis, hormis peut-être la mise en sourdine de l’habituelle rhétorique messianique et moralisatrice dans les rapports potentiellement conflictuels avec l’Iran, la Chine, l’Inde, sans oublier une Russie revigorée. Quatre pays tentés d’instaurer des formes nationales de capitalisme.

    Au cours d’une campagne présidentielle dont l’enjeu a largement débordé les frontières américaines, les deux candidats ont transformé les capitales étrangères en autant d’estrades du haut desquelles ils ont pu réaffirmer leur détermination. Au moment de prononcer son discours d’investiture, M. Obama a d’ailleurs préféré se détourner du Pepsi Center de Denver, lieu de la convention démocrate, au profit du stade des Denver Broncos. Une arène qui peut contenir soixante-quinze mille spectateurs, soit vingt-cinq mille de plus que le Colisée...

    Arno J. Mayer.


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